Le clown attaque directement son sujet avec véhémence. Il prend les spectateurs à témoin comme s’ils connaissaient déjà les raisons de son irritation. Il semble avoir le plus grand mal à contenir son agacement face à la passivité des personnes à qui il s’adresse.
Selon le document d’évaluation du Bureau des divertissements, qu’il agite nerveusement sous le nez des spectateurs du premier rang, le résultat serait trop éloigné de « la distraction pure », principal objectif de l’attraction.
Ce document très critique distribué au public à l’entrée du chapiteau passe en revue, avec preuve en images, les principaux griefs du Bureau des divertissements.
Le clown attire l’attention du public sur les pages les plus significatives du document. Selon lui, l’attraction ne remplirait pas son rôle de dérivatif aux problèmes et aux angoisses de nombreux spectateurs.
Le clown rappelle que son institution est présente dans toutes les enceintes circulaires pour contrôler, informer, conseiller et décider. Les missions du Bureau des divertissements sont étendues tout comme ses moyens d’action. Son statut de clown lui donne le droit d’entrer dans les salles de spectacle pour constater les manquements au devoir de distraire.
Après avoir insisté sur le fait qu’il est primordial d’assurer, quelles que soient les circonstances le délassement immédiat du public, le clown déclare qu’il est soumis à un certain nombre d’obligations et de droits, en tête desquels la possibilité d’utiliser la peinture de guerre contre les obstacles à l’exercice de sa mission.
Le directeur du cirque auquel s’adressent ces critiques, accompagnées de menaces, s’excuse au nom de sa troupe pour les infimes modifications apportées au projet et il rappelle que l’attraction qui commence dans quelques minutes sera exécutée dans le respect des règles de sécurité, des coûts et des objectifs prévus initialement.
Le directeur demande ensuite à tous de faire silence pour entrer en phase avec la Grande Harmonie qui unifie les Arts du cirque partout dans l’univers. Le son de la Grande Harmonie augmente dans le silence. Il s’agit du bruit du périphérique auquel s’ajoute celui des climatisations géantes de la DST.
La vibration continue du boulevard périphérique, captée en direct, lentement amplifiée, devient une douce mélodie apaisante.
Des spécialistes de l’équilibre bardés d’appareils de mesure et équipés de niveaux laser investissent la piste. Ils s’affairent à vérifier la conformité des équipements. Ils prennent la mesure des surfaces et des inclinaisons, inventorient leur matériel en flight-cases, font un ultime debriefing avant de grimper dans les structures pour mettre en route les générateurs d’énergie de l’installation. Les lignes électriques sous tension s’allument le long des traverses. Partout des diodes clignotent pour valider chaque étape de la mise en route.
Profitant des intermèdes d’obscurité pendant la validation des tests de sécurité, des marchands à la sauvette se faufilent dans les gradins. Ils tentent de vendre avec insistance divers produits indispensables, selon eux, au voyageurs en quête d’équilibre. Pointeurs laser, lunettes, ballons à gonfler munis de sifflets, bonbons, miroirs, stylos, masques, téléphones portables sont proposés à prix discount.
Un spécialiste en équilibre sur une barre suspendue au dessus des gradins explique aux spectateurs qu’en cas de modification du programme, ils seront amener à se déplacer dans les gradins durant l’attraction. Dans cette éventualité, une simulation de déplacement d’une partie des personnes présentes est supervisée par l’équilibriste . Il s’agit d’éviter, à titre préventif, tout risques de panique.
Pendant ce temps, la check-list des principaux éléments de l’attraction, testés l’un après l’autre se termine. L’équilibre est optimum. L’attraction peut commencer.
Les écrans diffusent des images démonstratives sur la dangerosité d’un environnement sans repère, sans quadrillage et sans horizontalité.