La porte de l’atelier était entrouverte, j’entrais sans prévenir: la pièce était uniquement éclairée dans le fond par une lumière blanche qui délivrait une scène follement absurde. Anne, un steak dans une assiette posée à sa droite, peignait une femme nue qui gisait sur le plancher au milieu d’ordures. Dans la pénombre de l’entrée, je scandais à Anne: << Alors Anne, tu peins la bassesse et la décadence humaines à travers un steak?>> Elle répondit: <<Ce morceau de chair est le référent. Le signifiant est ce que tu appelles « steak ». Mais le signifié est ici la matière, ce dont l’Homme est fait. Prends cette femme: penses-tu qu’elle jonche le sol, comme ces ordures autour d’elle? Ou plutôt qu’elle est une matière, un steak, ou encore un morceau de chair?>> Je ne savais plus quoi penser.
Gabriel Boudin-Fabre